La suppression d’un ru est nécessaire à la construction d’une plate-forme multimodale du Canal Seine-Nord. Mais deux martins-pêcheurs, espèce protégée, y ont été aperçus...
MEHDI PFEIFFER | Publié par le quotidien Le Parisien le 18.07.2011, 07h00
Les deux martins-pêcheurs qui ont leurs habitudes à Longueil-Sainte-Marie, près d’un ru voué à la destruction, ne se doutent pas qu’ils sont l’objet de toutes les attentions. Et pourtant. Une étude est menée en ce moment pour essayer de déterminer si les deux volatiles nichent sur les berges du petit cours d’eau ou s’ils se contentent de s’y promener ponctuellement.
Car ça change tout.Si le couple d’oiseaux a bien élu domicile sur le ru, sa destruction programmée pour la construction de l’une des plates-formes multimodales du canal Seine-Nord Europe sera rendue difficile. Le Syndicat mixte de la plate-forme multimodale Paris-Oise devra en effet faire une demande de « dérogation à la destruction d’une espèce protégée sur le martin-pêcheur d’Europe » (voir encadré). En attendant, il doit financer plusieurs études coûteuses.
« Une première étude d’impact a déjà confirmé que les berges du ru étaient propices à la nidification du martin-pêcheur. Reste à savoir si ceux qui ont été vus sont seulement de passage ou s’ils vivent là », explique une responsable de la SAO (Société d’aménagement de l’Oise). La Dreal (Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement) a donc demandé une seconde étude, afin de déterminer les habitudes du couple.
C’est le Centre permanent d’initiatives pour l’environnement (CPIE) vallée de la Somme qui en est chargé. Mais pour savoir où vivent ces martins-pêcheurs, encore faut-il les retrouver dans un espace immense, où la végétation est luxuriante. La tâche s’annonce encore plus ardue quand on sait que ces oiseaux ne mesurent pas plus de 17 cm.
« Nous avons observé deux individus la première fois que nous sommes venus sur le site pour des repérages. Il s’agit forcément d’un couple car les martins-pêcheurs défendent un territoire, le plus souvent une portion de cours d’eau. Nous ne les avons pas revus ensuite », confie Julien Taisne, chargé de l’étude. Les recherches vont donc se poursuivre pour tenter de retrouver trace des précieux oiseaux. « On a cherché des terriers du diamètre d’un poing, avec de fortes odeurs le long des berges. Car c’est là que les martins-pêcheurs vivent et déposent en général leurs poissons. Pour l’instant, on n’a rien trouvé mais on va revenir avec une barque pour essayer de retrouver des traces plus visibles », reprend le chargé d’études.
Rien ne dit que les martins-pêcheurs nichent, s’alimentent ou se reproduisent sur la zone. Ils pourraient en effet vivre sur les berges sableuses de l’Oise, dans laquelle se jette le ru, qui seraient plus propices à l’accueil de leurs terriers.
La situation irrite Stanislas Barthélemy, le maire de Longueil-Sainte-Marie. « Tout ça pour un martin-pêcheur aperçu! C’est ridicule. A mon avis, il n’était que de passage sur la zone du ru, mais avec le Grenelle de l’environnement, on est obligé de faire des études coûteuses sans être sûr de rien. Il y en a pour plus de 15000 € pour une seule d’entre elles. Ça équivaut au coût annuel du poste de surveillant supprimé cette année dans un collège des environs », déplore-t-il.
L’élu rappelle d’ailleurs que des mesures sont déjà prévues pour compenser la destruction du ru. « La création d’un cours d’eau écologique en pente douce est programmée. En connexion directe avec une mare et beaucoup plus large que le ru actuel, avec des bordures boisées et une zone pour les poissons », précise-t-il. Un vrai petit paradis en perspective pour les deux martins-pêcheurs introuvables, qui n’ont sans doute pas fini de faire parler d’eux.
Le Parisien